Déplacement des régions viticoles vers le nord, vendanges précoces, délocalisation des AOC, bouleversement des cépages : le monde du vin va devoir s’adapter au réchauffement climatique, préviennent les scientifiques.
Cette tendance au réchauffement, « pour le moment, c’est presque une bonne chose », déclare à l’AFP Bernard Séguin, chercheur à l’Institut national agronomique (INRA) d’Avignon. « L’augmentation de la température se traduit par des vins plus sucrés, plus alcoolisés, moins acides, lors des vendanges », explique-t-il, rappelant que « dans les années froides, on avait des vins moins alcoolisés, il fallait rajouter du sucre pour avoir un certain degré d’alcool ».
Donc une année chaude, c’est plutôt une « bonne année » et c’est la tendance depuis une vingtaine d’années, indique M. Séguin. Mais il ajoute aussitôt un bémol : « C’est bon parce qu’on est dans la gamme d’un ou deux degrés de plu,s mais quand vous allez au-delà, vous ne savez plus trop ce qui peut arriver. »
Les experts des Nations unies sur le climat tablent sur une augmentation de 1,4 degré au mieux et 5,8 degrés au pire de la température moyenne mondiale d’ici à 2100. Ce réchauffement devrait entraîner « une progression significative des zones favorables à la culture de la vigne vers le nord », selon l’Observatoire national des effets du réchauffement climatique (Onerc). Du XIe au XIIIe siècle, les vignes étaient courantes dans le sud de l’Angleterre avant de disparaître sous le « petit âge glaciaire » (1550-1850).
Le phénomène inverse semble en passe de se reproduire. « Qu’il y ait des vignes en Normandie, en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas, à la fin du siècle, c’est tout à fait envisageable », estime M. Séguin. De même, « on pourra se permettre de cultiver dans le nord des cépages qu’on trouve actuellement dans le sud de la France », ajoute-il.
Une augmentation de 1 degré de la température moyenne d’ici à 2035, tel que prévu selon un scénario des experts de l’ONU, correspondrait à un déplacement des régions viticoles de 180 km en moyenne vers le nord. Cette remontée des cultures vers le nord laisse planer la menace d’une délocalisation des Appellations d’origine contrôlée (AOC) qui sont pourtant attachées à un sol, un climat et une culture locale. En France, par exemple, chaque terroir avec son AOC va se retrouver avec des conditions qui vont énormément changer. « Seront-ils capables de faire le même produit ? Avec 1 ou 2 degrés de plus, peut-être, mais au-delà, la question est posée », estime M. Séguin. Car la croissance de la vigne et la qualité du vin sont étroitement liées à la météo locale. Ainsi, la sécheresse ralentit la croissance des plants si elle se produit avant la maturation des grappes et diminue le stockage des sucres, si elle sévit pendant la maturation.
La canicule de l’été 2003 donne un aperçu du futur : « En 2003, la récolte (en France) a été inférieure de 17 % à la moyenne, presque uniquement pour des raisons climatiques », selon l’Onerc.
Paradoxalement, le réchauffement, en accélérant les dates de floraison, augmente les risques de destruction au cours des périodes de gel printanier, tant redoutées des viticulteurs.
Le changement climatique a déjà provoqué en France une avancée des vendanges de trois semaines, voire un mois dans certaines régions, depuis les années 1990 par rapport aux moyennes observées en 1945. « Un tel niveau de précocité n’avait jamais été observé depuis 500 ans », souligne l’Onerc.
Source : L'Orient - Le Jour
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