Alors que certaines régions, comme Lavaux, commencent tout juste à panser leurs plaies après les intempéries de l'été, les cinq vendeurs de vin les plus importants du pays viennent d'unir leurs destinées pour exporter. Après une belle percée en Allemagne, la Chine et la Russie devraient prochainement trinquer, entre autres, au chasselas vaudois.
Du chasselas, une étiquette avec le Cervin: l'équation peut paraître simple. Mais c'est bien par cette alliance entre le vin et la montagne chère aux touristes asiatiques que les grands groupes du pays espèrent écouler, à terme, près d'un million de bouteilles sur sol chinois. «Avec la baisse de la consommation qui se confirme en Suisse, nous devons être beaucoup plus actifs à l'export, assure Paul Schnidrig, directeur commercial des Caves Orsat et responsable de la structure Swiss Wine Marketing. Il faut trouver de nouveaux débouchés et la Chine nous chatouille depuis que nous sommes allés sur place, notamment la région de Shanghai, où le potentiel est énorme.»
Alliance entre les cantons
Là-bas, Paul Schnidrig a surtout constaté que les Chinois n'auraient que faire de boire du vaudois ou du valaisan, la carte suisse devant supplanter les intérêts de clocher dans cette partie de poker.
«Les études commandées prouvent que la demande de vin ne cesse d'augmenter. Mais nous devons mettre en avant ce qui fait notre réputation et notre succès, soit le rouge, l'or et le Cervin, poursuit le spécialiste. Nous sommes en contact avec les distributeurs et, en principe, nous pourrons déjà démarrer avec le millésime 2005, dès l'an prochain.»
Dix mille bouteilles ont été réservées dans ce but. Mais si la demande prend d'un coup l'ascenseur, aucun groupe ne sera en mesure de livrer à lui seul une commande dix fois supérieure dans des délais très brefs. «On ne peut pas se lancer dans un projet aussi important simplement pour écouler les surplus. La qualité, la quantité et le prix doivent être garantis à nos interlocuteurs chinois.» Autant d'engagements désormais garantis par la convention qui vient d'être signée par les membres du G5, soit Provins, Orsat, Schenk, Uvavins et la Cave de Genève.
Les petits s'organisent aussi!
Un club des cinq qui n'est pas le seul à lorgner du côté de l'Asie, puisqu'une délégation vaudoise se trouve justement ces jours à Pékin et à Shanghai pour tâter le terrain. «Je tenais à être sur place pour voir comment les Chinois se mettent au vin, explique Georges de Coulon, propriétaire du Château d'Eclépens. A mon avis, il ne faut pas s'attendre à découvrir un nouvel eldorado pour résoudre nos problèmes. Mais il y a peut-être un créneau pour les spécialités et c'est dans cet esprit que je m'y trouve. Pour constater aussi comment Français et Australiens s'y sont pris pour exporter.»
Si l'eldorado n'est donc pas encore assuré, l'attrait d'une population supérieure au milliard attise cependant les convoitises et favorise les initiatives dans tous les secteurs, à commencer par le tourisme.
Le vignoble ne pouvait rester à la traîne, même si les Vaudois sont, comme d'habitude, un peu lents à la détente. «Il y a des projets très avancés, mais il faut se rendre sur place pour nouer les contacts», prévient Gérald Béroud, responsable de SinOptic (étude du monde chinois) à Lausanne, qui a organisé le déplacement avec les «petits» producteurs. «Les vignerons suisses n'ont visiblement pas tous compris l'enjeu, puisque ce voyage a suscité peu d'intérêt, ne serait-ce qu'au niveau des questions. C'est préoccupant car d'autres pays, comme la France, ont pris le train en marche et n'ont pas l'intention d'attendre les Suisses sur le quai...»
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