Face à la sévère crise que traverse le monde viticole, la région Aquitaine souhaite développer le tourisme vitivinicole, un outil de promotion de ses terroirs et de ses appellations mais aussi un moteur potentiel des ventes.
"L'Aquitaine est le premier vignoble de France et d'Europe, et c'est là qu'il y a le moins de produits touristiques sur le vin", regrette François Deluga, vice-président du Conseil régional d'Aquitaine en charge du tourisme.
Ce "paradoxe" se traduit par exemple dans les faiblesses de l'hébergement : 19 propriétés avec le label de référence "Bacchus" pour quelque 10 000 exploitations.
Il y a encore peu, les viticulteurs ne recevaient que les amateurs éclairés friands de dégustations au château, négligeant un public plus large, alors que l'Aquitaine est la 3e région touristique de France, avec 12 millions de visiteurs par an.
L'objectif, désormais est de passer d'un "tourisme de cueillette", qui consiste à ne récupérer que les touristes de passage, à un "tourisme de production", qui suppose d'aller chercher les clients.
Devant l'hétérogénéité d'un vignoble de 140 000 hectares qui compte 58 appellations pour le seul Bordelais, le Conseil Régional vient de lancer la première brochure sur le tourisme vitivinicole, à la fois magazine et guide pratique.
Editée à 70 000 exemplaires, dont 20 000 en anglais et 10 000 en allemand, cette brochure servira d'outil de communication au programme "Destination vignoble", financé à hauteur de 600 000 euros par le Conseil régionale auxquels s'ajoutent 470 000 euros de fonds européens.
Sept vignobles - Médoc, la Haute-Gironde, le Grave-Sauternais, Bergerac, Côte de Duras, Entre-deux-Mers et Jurançon - se lancent dans l'opération avec les collectivités locales, les offices du tourisme et les syndicats viticoles.
Ce programme devrait permettre de former les professionnels du vin au tourisme et inversement, de créer de nouveaux produits comme des circuits de visites.
En contre-partie, les viticulteurs s'engagent à respecter une charte de qualité, incluant une obligation d'informer sur les horaires d'ouverture des propriétés, la gratuité des dégustations, la mise à disposition de sanitaires et d'une aire de stationnement....
"Cela va permettre de renforcer l'image conviviale de nos vins et aussi les ventes", affirme Laurent de Bosredon, président du Comité régional des vins d'Aquitaine, représentant de l'ensemble de la filière.
A terme, selon Laurent de Bosredon, il s'agit de faire du visiteur "un ambassadeur de nos vins".
"Il s'agit surtout d'élargir et fidéliser la clientèle", nuance Jean-Louis Trocard, un propriétaire de Saint-Emilion longtemps impliqué dans la vie de la filière.
"Il n'y a pas de baguette magique", ajoute-t-il en estimant qu'"il faut maintenant que les viticulteurs se mouillent".
Car certains professionnels restent réservés. "C'est un travail de longue haleine : à l'origine les viticulteurs sont là pour faire du vin, pas accueillir des touristes", prévient le président de l'Office du tourisme de Saint-Emilion, Patrick Junet.
"Il faut cinq ans pour être efficace", commente Cyril Forget, à la tête d'un grand cru de Saint-Emilion qui propose à une clientèle haut de gamme des visites et dégustations avec possibilité d'hébergement.
Selon lui, la propriété "ne gagne pas d'argent car ça s'équilibre avec les salaires", le but étant plutôt de promouvoir l'image de son vin.
Pour d'autres, selon lui, "cela peut être un moyen de changer de fusil d'épaule" en développant la vente à la propriété pour moins dépendre des réseaux de distribution et des négociants. Mais à condition d'avoir "une véritable volonté d'accueil".
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