Les femmes et le vin
Professionnelles ou consommatrices, de plus en plus de femmes accèdent à l'univers du vin en Occident.
Dans son numéro de décembre 2004, le magazine mensuel «L'Union girondine» consacre un long article à la présence croissante de femmes dans les professions du vin mais aussi à l'intérêt de plus en plus marqué que manifeste la gente féminine, en tant que consommatrices, pour les vins. En effet, si pendant longtemps le vin a été réservé aux hommes, depuis le milieu des années soixante, les moeurs ont bien changé...
Mais il a fallu deux millénaires pour que les femmes se sentent libres de boire du vin et pour que leurs goûts et avis soient progressivement pris en considération. Dans l'Antiquité, les Romains interdisaient le vin aux femmes; elles étaient même passibles de mort si elles en buvaient. Si au Moyen Age les femmes peuvent consommer du vin comme les hommes, au XIXe et jusqu'au milieu du XXe siècle, le vin redevient un apanage masculin. Les femmes devront attendre les années cinquante pour accéder au plaisir du vin et ne deviendront vraiment des consommatrices que vers le milieu des années soixante.
Aujourd'hui, le mariage «femmes-vins» relève presque du phénomène de mode: les spécialistes en marketing ciblent de plus en plus le public féminin et essaient de développer des produits susceptibles de leur plaire. Il faut dire que ce sont le plus souvent les femmes qui font les courses du ménage et qui sont amenées à choisir les bouteilles sur les linéaires.
Oenologues, vigneronnes, cavistes, sommelières, les femmes occupent également de plus en plus de secteurs professionnels du vin où elles font preuve d'autant de savoir-faire et de compétences que leurs collègues masculins. Toutefois, bien que les femmes soient de plus en plus nombreuses parmi les professionnels du vin, certains métiers sont encore largement dominés par les hommes. En sommellerie par exemple: sur 1200 adhérents à l'Union de la sommellerie française, on ne compte que 250 femmes dont 80% sont des épouses ou conjointes de restaurateurs.
plaisir avant tout
Jean-Pierre Corbeau, professeur de sociologie à l'Université de Tours et co-fondateur de l'Institut français du goût, considère que «l'entrée en vins» des femmes a remis en cause les qualités et les descriptifs habituels du vin: «L'image traditionnelle du vin a été cassée; on a vu apparaître de nouveaux codes basés sur la légèreté, la jeunesse. On assiste à l'émergence du sensoriel, des émotions gustatives. Le vin aliment devient le vin plaisir».
Après avoir plébiscité les vins légers et fruités (vin de cépage, beaujolais, vins jeunes), le goût des femmes a évolué au fil du temps, se portant maintenant aussi sur des vins ronds, structurés, denses, profonds.
En tous les cas, les femmes n'ont plus le «complexe du tire-bouchon» et expriment à leur façon ce qu'elles ressentent en dégustant le vin. Leur consommation est motivée par la convivialité, en aucun cas par l'affirmation d'un statut social. L'achat d'un vin ne représente pour elles ni un faire-valoir ni un placement, mais une émotion, une sensibilité, un plaisir. Si les femmes déplorent souvent un manque de repères pratiques sur les étiquettes, elles ne veulent en tout cas pas féminiser le monde du vin. «Elles ont juste envie d'être informées, de mieux comprendre le vin mais lorsqu'elles vont chez un caviste, elles sont souvent accueillies dans l'indifférence et elles trouvent les étiquettes incompréhensibles», relève Marie-Louise Banyols, elle-même caviste. Elle ajoute: «En matière de goût, je ne pense pas que les femmes recherchent des bouteilles ou des couleurs spécialement conçues pour elles. Finalement, un vin qui plaît aux femmes est le vin qui correspond à sa sensibilité personnelle. C'est la même chose pour les hommes...»
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